Menu
Le volcan Arenal au Costa Rica

Le volcan Arenal, un colosse discret dans un écrin de biodiversité

Le volcan Arenal, situé dans la province d’Alajuela au Nord-Ouest du Costa Rica, constitue l’un des volcans les plus emblématiques et les plus étudiés d’Amérique Centrale. Culminant à 1 670 mètres d’altitude, ce stratovolcan andésito-basaltique fait partie de la cordillère volcanique de Guanacaste, une zone géologiquement très active où la plaque tectonique de Cocos s’enfonce sous la plaque Caraïbe à raison de 8 cm par an. Avant son réveil en 1968, l’Arenal était considéré comme éteint depuis près de cinq siècles, sa dernière activité significative remontant approximativement à l’an 1500 selon les études géologiques. Les populations locales le désignaient alors sous divers noms (Cerro Arenal, Pan de Azúcar ou Volcán Pelón), ignorant totalement sa nature volcanique potentielle.

La matinée du 29 juillet 1968 marqua un tournant dramatique dans l’histoire de cette montagne apparemment paisible. À 7h30 précises, une violente explosion phréato-magmatique de magnitude VEI 3 déchira le flanc ouest du volcan, projetant des blocs balistiques de plusieurs tonnes jusqu’à 5 km de distance et créant trois nouveaux cratères (baptisés A, B et C) en l’espace de 72 heures. L’éruption, dont l’onde de choc fut ressentie à plus de 30 km, anéantit complètement les villages de Tabacón, Pueblo Nuevo et San Luis, causant la mort de 87 personnes selon les chiffres définitifs de l’Observatoire volcanologique et sismologique du Costa Rica (OVSICORI). Les coulées pyroclastiques et les lahars qui suivirent ensevelirent près de 15 km² de terres agricoles sous une épaisse couche de cendres, de scories et de blocs de lave anguleuse.

L’éruption initiale donna lieu à une période d’activité intense entre 1968 et 1973, caractérisée par des explosions vulcaniennes intermittentes émettant des colonnes de cendres atteignant fréquemment 3 000 mètres d’altitude. Le cratère A, principal point d’émission durant cette phase, produisit plusieurs coulées pyroclastiques destructrices qui modelèrent durablement le paysage environnant. À partir de 1974, le foyer éruptif migra progressivement vers le cratère C, situé environ 400 mètres plus haut sur le versant ouest, où s’édifia peu à peu un imposant cône de scories atteignant finalement 200 mètres de hauteur. Cette seconde phase (1974-1984) vit le volcan adopter un comportement typiquement strombolien, avec émission régulière de fontaines de lave et construction d’un dôme intracratérique par accumulation de lave et de scories.

Les décennies 1980 et 1990 furent marquées par une activité plus régulière mais non moins impressionnante. Le volcan alternait entre des phases stromboliennes classiques, avec projection de bombes incandescentes et émission de coulées de lave en blocs pouvant atteindre 3 km de longueur ainsi que des épisodes vulcaniens plus explosifs. Le 7 mai 1998, un important effondrement gravitaire affecta le flanc ouest du cône, créant une brèche spectaculaire et générant des avalanches de débris qui modifièrent durablement la morphologie du volcan. Contrairement à certaines interprétations erronées, cet événement ne correspondait pas à une éruption explosive mais bien à un réajustement structurel du massif volcanique.

L’aube du XXIe siècle vit l’Arenal manifester quelques sursauts d’activité notables. Le 25 août 2000, une puissante explosion projeta des matériaux incandescents jusqu’à 1 km du cratère principal, tandis qu’un panache de cendres s’éleva à près de 5 km dans l’atmosphère. En 2005, les instruments de l’OVSICORI enregistrèrent une recrudescence significative des tremors volcaniques, témoignant d’une possible remontée magmatique en profondeur. Une courte phase phréatique se manifesta en 2008, marquée par l’émission de vapeur et de gaz due à l’interaction entre les eaux souterraines et les roches chaudes, sans émission de magma frais. Le dernier épisode éruptif significatif survint le 24 mai 2010, lorsque le volcan produisit une ultime explosion modérée avant de s’éteindre progressivement pour entrer dans sa phase actuelle de repos à partir d’octobre 2010.

Au total, ce cycle éruptif de 42 ans a permis aux scientifiques d’accumuler des données précieuses sur le comportement de ce type de volcan. Les estimations indiquent qu’environ 0,75 km³ de matériaux divers (laves, scories, cendres) furent émis durant cette période, avec des coulées atteignant localement 7 km de longueur. Les températures mesurées au niveau des fumerolles durant les pics d’activité avoisinaient régulièrement les 93°C, témoignant de la profondeur relativement faible du système hydrothermal. Depuis 2010, l’Arenal ne manifeste plus qu’une activité résiduelle, avec des fumerolles dont la température ne dépasse pas 50°C et une sismicité faible (moins de 10 micro-séismes par mois en moyenne). Les instruments de surveillance continuent cependant de scruter attentivement les moindres signaux, rappelant que ce volcan a connu par le passé des périodes de dormance de plusieurs siècles entre des phases d’activité intense.

Parallèlement à son importance scientifique, l’Arenal est devenu un pilier de l’économie touristique costaricienne. Dès les années 1980, les premières infrastructures d’observation furent aménagées pour accueillir les visiteurs fascinés par ses éruptions nocturnes spectaculaires. La création du parc national du volcan Arenal en 1991, couvrant 12 080 hectares de forêt tropicale humide, permit de protéger cet écosystème unique tout en développant un tourisme scientifique et nature. Le complexe thermal de Tabacón, inauguré en 1994 et alimenté par l’énergie géothermique du volcan, devint rapidement une attraction majeure. Aujourd’hui, la région accueille plus de 1,2 million de visiteurs annuels, faisant de La Fortuna la troisième destination touristique du pays. L’image iconique du cône parfaitement symétrique de l’Arenal se reflétant dans les eaux du lac voisin est devenue un symbole international du Costa Rica.

Les scientifiques soulignent que le volcan, bien qu’actuellement en repos, conserve un potentiel éruptif non négligeable. Les études paléovolcanologiques ont révélé que l’Arenal a connu au moins sept cycles éruptifs majeurs au cours des 4 000 dernières années, séparés par des périodes de repos variant entre 300 et 700 ans. Son système magmatique profond reste actif, comme en témoignent les mesures de déformation du sol et les analyses géochimiques des gaz résiduels. L’OVSICORI maintient donc une surveillance permanente, combinant sismomètres, stations GPS, caméras thermiques et drones pour détecter les moindres signes avant-coureurs d’une possible réactivation. Pour les vulcanologues, l’Arenal représente un laboratoire naturel exceptionnel pour étudier la dynamique des stratovolcans andésitiques et améliorer les modèles prédictifs des éruptions. Son histoire récente illustre parfaitement comment une catastrophe naturelle peut, avec le temps et une gestion appropriée, se transformer en atout économique et scientifique tout en renforçant la résilience des populations locales.

1 Commentaire

  1. guillard noëldit :

    Merci Tanguy pour ces commentaires historiés et documentés, très satisfaisants pour ma curiosité, car il ne s’agit pas seulement d’images …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *